dimanche

Musique!

J'ai décidé d'incorporer un petit morceau de musique dans certains passages de mon roman,
pour vous faire découvrir ce qui a pu m'inspirer ce moment. On aime ou
on n'aime pas ;)

lundi

3éme mois lunaire (mars), année 1998, quelque part en Chine.

 "Je vais avoir une petite sœur!" pensait le petit garçon joyeusement dans la voiture.
Son père ne lui avait dit que ça avant de le lancer dans leur véhicule familial pour ensuite s'installer à ses côtés tandis que le chauffeur démarrait l'engin en trombe.
"Pas le temps de respecter les lois routières." avait chuchoté l'homme au conducteur afin qu'il se presse davantage sur la route. Les cerisiers fleuris défilaient sur les bords de la route à une telle vitesse qu'on aurait cru qu'un ruban rose s'était déployé devant les fenêtres, le ruban du cadeau qui attendait le petit garçon au bout du voyage.
Le père, malgré sa première expérience semblait ne pas pouvoir tenir en place, il allumait et éteignait sans arrêt sa cigarette, pensant à chaque fois être en présence de son épouse... Il transpirait à grosses gouttes, et son costume impeccable commençait à s'assombrir par endroits, révélant la peau rougeoyante sous la chemise blanche.
Le petit qui commençait à se lasser du paysage bien trop rapide pour être décrypté par ses petits yeux d'enfants, se laissa porter par la musique que crachotait la radio tout en caressant le cuir moelleux et frais de la limousine.
Un long moment passa sans que rien ne se passe, puis la musique s’arrêta, le garçon ne le remarqua pas au premier abord, ce qui le choquait plus c'était le blanc soudain devant ses yeux, comme un voile qui lui cacherait ce qui l'entoure... Il se rappelait de pareille expérience alors qu'il jouait gaiement dans le linge propre que sa mère faisait suspendre dans leur luxueux jardin, les draps l'enveloppaient, les tee-shirts lui caressaient la peau et lui riait de ce paysage neigeux et pourtant si chaud.
Puis le son revint à ses oreilles, il entendait pleurer.

C'était sa mère. Que se passait-il? "Il ne faut pas pleurer voyons. Je vais avoir une petite sœur." voulut dire le gamin alors que ses paroles se retrouvaient bloquées par sa propre pensée.
"Cela fait déjà une semaine qu'il est dans ce coma, vous étiez censés le réveiller depuis longtemps! Je vous paie bien assez pour ça! Réveillez mon fils!" entendit-il son père crier à un interlocuteur inconnu.
"Nous ne pouvons rien faire si ce n'est attendre maintenant... Son cerveau a été frappé de plein fouet dans l'accident. Je ne peux que vous conseiller de prier." répondit un inconnu.

Alors c'était ça, il dormait. C'était dommage, il aurait tant voulu voir sa petite sœur.
Un pleur retentit alors dans la pièce, plus fort que le discret sanglot de la mère et le garçon sut que c'était elle, la petite créature sortit du ventre de sa mère.
Alors, en pensée, il sourit pour cet être qu'il ne pouvait voir.



Juin, année 2011, quelque part en Angleterre.

"Es-tu sûr de vouloir détruire ton futur, toutes tes années de brillantes études pour entrer au service de notre maison en tant que...majordome? Tu es d'ailleurs un peu jeune pour cela, n'est-il pas? Je ne remets pas en question ton éducation qui, ma foi, ne laisse rien à redire, mais n'aurais-tu pas une idée derrière la tête pour vouloir ainsi être engagé ici?"
L'adolescent qui était resté debout depuis le début de l'entretien laissa échapper un sourire tellement simple et pourtant si doux, empli d'une tranquille joie qui emportait quiconque le voyait dans un flot de confiance dont on ne pouvait penser à en remonter le long courant.
"Monsieur Lindon, je ne puis rien vous cacher. Sans vouloir vous paraître déplacé, je souhaite entrer à votre service afin d'être auprès de votre fille. Ne croyez point que j'ai là des idées troubles, avides de la chaire rose de cette douce fleur. Mon cœur veut ressentir le simple bonheur de la voir fleurir, et surtout de devenir ses épines, la protégeant ainsi des dangers qu'elle encoure. Vous me connaissez surement mieux que mon propre père et vous savez que vous pouvez me faire confiance en tout point."
Le juge Lindon se mit alors à rire, un bon rire gras dont ces personnes bien en chaire ont le secret, et qui vous donne envie de rire à votre tour, un rire...complice.
"Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle! Grogna une voix douce qui se voulait furieuse dans le dos du jeune amoureux. Et toi, sache que je n'ai pas besoin de tes épines pour me protéger! Je sais parfaitement me défendre des abrutis qui trainent dans les rues. Un bon coup de pied là où je pense et c'est déjà fini, c'est vous qui êtes faibles, monstres de testostérone."

La jeune fille qui avait parlé avait la peau teintée du doux rouge de la gêne et le cœur bondissant de l'amour passionné.


Décembre, année 2012, quelque part en France.

"C'est étrange... J'ai l'impression qu'on m'appelle." pensa le jeune garçon en regardant à travers la fenêtre de sa chambre le ciel étoilé. Dans sa tête résonnait encore le souffle hurlant de la détresse d'une personne dont il ignorait l'existence.
"libère-moi!"


Février, année 2013, quelque part en Amérique.

Une simple pression. La balle meurtrière part à une vitesse proche des cinq cents mètres par seconde. Rapide. Impossible de l'éviter.
Une visée parfaite. La balle s'enfonce d'un trait dans la tête et ressort par l'arrière, projetant  milliers de fragments de bois dont la plupart sont si infimes qu'ils sont impossibles à voir à l’œil nu.
"Excellent. Juste excellent."
"Merci papa. Mais depuis le temps tu devrais être habitué." répondit le tireur d'un air atone.
"Je sais bien... Mais c'est ton âge, je suis toujours surpris de voir qu'à quinze ans on peut manier une arme si bien."
"Depuis que maman est morte il y a 4 ans, tu m'entraînes à ça. Tu t'attendais à quel genre de résultat?"

Le père ne répondit pas et se contenta de tapoter gentiment l'épaule de son fils, presque comme pour s'excuser de ce qu'il s'était passé...et de ce qu'il se passerait.
"Où en est le projet?" relança celui qui tenait l'arme pour combler le silence qui devenait trop oppressant pour lui.
"On y est presque, dans un mois la météorite va tomber. J'ai terminé d'installer le matériel dont tu auras besoin là-bas ainsi qu'un abri et de la nourriture pour survivre en attendant que les autres ne te rejoignent. Le reste du groupe ne se doute de rien et c'est bon pour nous..."
"Oui... Je suppose... Et, pour ces "équipiers" dont tu m'as parlé, tu as fini par les mettre au courant qu'ils faisaient partie de l'opération?"
L'homme laissa échapper un rire jaune.
"Non, tu sais bien que c'est trop risqué. Et puis je me vois mal leur expliquer ce qu'il va se produire prochainement. Tu devras t'en charger au bon moment."

Le fils laissa tomber son Beretta à ses pieds comme s'il était devenu obsolète à ses yeux.
"Tu sais ce que tu risques en faisant ça. C'est toi qui vois. De mon coté je suis prêt."
"C'est..c'est bien. Je suis fier de toi!" balbutia le père d'une façon un peu trop enjouée au goût de sa progéniture.
"Ce serait tellement bien si je pouvais en dire de même pour toi."





Mars, année 2013, quelque part en Italie.

Il avait enfin réussi, 19 années de judo, récompensée par son 5ème dan.
L'homme se sentait maintenant capable de faire le travail qui lui incombait: il y a peu, un vieil homme lui était apparu en pleine nuit. 

"La fin de ce monde est proche, lui avait-il expliqué, je t'ai choisi pour ta grandeur d'âme et ta puissance, tu vas devoir venir dans mon monde pour le sauver avant que cette même fin ne lui arrive. Je sais que tu en es capable... Tu maîtrises parfaitement ton âme et ton corps, ce qui est nécessaire pour ta future mission. Tu sauras quand le moment viendra, ton esprit tremblera par la force des évènements qui détruiront cet endroit et c'est là que je t'ouvrirai le passage vers mon univers."
Le judoka n'avait pas cherché à comprendre, son destin l'appelait, c'était tout et il devait répondre à cet appel en offrant ses talents à cet autre monde.
"N'y a-t-il aucun moyen de sauver mon monde? Je ne peux me permettre de le laisser périr sans avoir cherché un moyen de le soustraire à son malheur."
Le vieillard avait secoué la tête.
"Il est trop tard maintenant, bien trop tard. Si tu t'investis dans ton monde pour le sauver d'une chose qui arrivera quoi que tu pourras tenter, tu risques de rater ton unique possibilité de sauver des millions de vies alors que tu le pouvais."

Il n'avait donc pas le choix.
Pourquoi faisait-il confiance à cette apparition venue de nulle part?
C'était à cause de cette aura... Il avait ressenti autour du vieil homme une telle puissance qu'il ne s'était pas senti la force d'avoir un quelconque doute.
Il avait espéré ensuite pouvoir finir sa formation au combat avant les évènements, et son travail acharné avait fini par payer, il était devenu puissant.
Suffisamment, peut-être, pour aider un monde en détresse.

Plongé dans ses souvenirs il n'avait pas fait attention mais l'air alentour avait changé, un sentiment de danger se propagea rapidement dans son corps, l'adrénaline monta, chaque muscle de son corps se prépara à l'effort qui allait venir d'un moment à l'autre.
"C'est maintenant."

dimanche


Chapitre1.1:



Chine.

La fillette courait depuis près d'une heure à en cracher ses poumons, ses pieds battant un rythme incertain sur le carrelage du bâtiment; de nombreuses personnes se retournaient sur son passage, certains fronçaient les sourcils en signe de réprimande, d'autres riaient en voyant passer l'énergie de la jeunesse qui avait depuis bien longtemps quitté leur corps, et le reste observait ce spectacle de manière lointaine, pas tout à fait là, un peu à la manière dont on regarderait une télévision.
Les nattes brunes de la jeune fille se balançaient de gauche à droite à la façon d'un balancier d'une horloge affolée, sa jupe noire quant à elle restait impeccablement plaquée contre les jambes puissantes de son porteur.
Sakura Yóukè, 13 ans, incarnait bien le personnage que son physique laissait à croire qu'elle était: des cheveux bruns parfaitement coiffés montraient son soin quant à sa personne, sa peau légèrement rosies et douce donnait l'idée vraie de son innocence et sa gentillesse, ses yeux verts perçants permettaient sans l'ombre d'un doute que malgré que la poupée puisse être de chiffon, elle n'en savait pas moins se montrer forte. Son corps était assez petit, infortune du destin à ses yeux mais cela ne l’empêcha pas de devenir une élève exceptionnelle à ses cours de sport, ses muscles apparents pouvaient en témoigner sans problème.
Mais aujourd'hui, ses efforts se réservaient pour une seule personne. L'amour de sa vie.
Non pas un petit ami ou autre histoire à l'eau de rose, nous parlons ici de l'amour qui unit les membres d'une même famille. En effet la petite Sakura courait rejoindre son frère, endormi comme à son habitude, dans son lit d’hôpital.
Pourtant elle espérait qu'aujourd'hui, il se réveillerait, oui ce n'était pas un jour ordinaire, elle le sentait, cela résonnait en elle comme un avertissement. D'ailleurs sa mère lui avait fait part ce matin même avant qu'elle ne parte à l'école qu'elle devrait la rejoindre, sa mère et son père, au chevet du comateux. Peut-être les médecins avaient-ils enfin trouvé un remède! Après tout son père avait dépensé des sommes astronomiques pour faire en sorte que celui-ci se réveille enfin. Elle frissonnait de bonheur rien qu'à cette idée qui l'avait pourtant de nombreuses fois effleurée dans ses rêves.
Dans ses rêves...jamais dans la réalité.
Mais aujourd'hui c'est autre chose, elle priait qu'ils attendent sa présence pour le réveiller.
L'odeur dans l’hôpital lui brulait encore plus les poumons mais cela faisait une éternité qu'elle ne faisait plus attention aux émanations des produits chimiques, aux reflux âcres des mourants et des produits d'entretien bon marché , elle courait en ignorant totalement ce qui l'entourait. Son esprit se tournait entièrement vers son objectif.
Arrivée devant la porte habituelle, elle retint son souffle qui était haletant il y a à peine une seconde et entra.
Ses parents étaient là, évidemment, c'est plus facile de se déplacer en voiture qu'en courant; ils affichaient un air grave, fermé, ne permettant de discerner que la douleur dans leurs yeux. Une infirmière, jeune femme magnifique et soignée, qui aurait pu sans mal se révéler être une geisha tant le raffinement sembler émaner de sa personne, se tenait près des machines maintenant un jeune garçon endormi en vie. Sakura se demanda ce qu'une telle personne faisait ici, la plupart des infirmières avaient les yeux bouffis par le sommeil, un maquillage trop peu soigné dû à la fatigue et au manque de temps pour soi, et les cheveux étaient à peine coiffés... Ce devait être une nouvelle, mais n'aurait-il pas mieux valu le médecin qui suivait son frère depuis le début de son coma pour réveiller ce dernier?
Son regard s'élança instinctivement vers son frère endormi, il était pâle, cet air toujours malade ne la choquait pas plus que ça, elle était née en le voyant ainsi, et rien n'avait changé. Ses cheveux en bataille sur sa tête était surement ce qu'elle préférait chez le garçon, lui donnant un air négligé et pourtant lui procurant un style unique et personnel. Une fois qu'elle avait été seul avec lui, elle avait regardé sous l'une des paupière de l'endormi pour en voir la couleur, et c'est l'océan qu'elle découvrit, un océan calme, silencieux, qui n'attendait qu'à abriter de nouvelles images pour nager en lui...
"Sakura...nous avons une nouvelle importante à t'annoncer." commença le père de son ton sérieux qu'il prenait lorsqu'il faisait des affaires avec ses associés.
La fille sentait son cœur bondir de plus en plus fort dans son corps, et elle n'aurait pas été surprise de le voir arracher sa poitrine pour s'enfuir par la fenêtre, elle tenta de se calmer en prenant une profonde inspiration et en déplissant son uniforme d'écolière qui ressemblait à un champ de bataille après sa course pour arriver à l’hôpital au plus vite.
"Ce n'est pas facile à dire, tu es si jeune... Continua la mère sur un ton presque implorant. La décision n'a pas été facile, mais nous ne pouvons plus continuer ainsi."
L'enfant ouvrit la bouche de surprise et d'incompréhension, on n'avait donc pas trouvé le moyen de réveiller son frère, mais pourquoi alors les adultes dans la pièce avait-il le visage de ceux qui se préparent à un moment important.
Comme pour couper court à tous ces questionnements, le père énonça les faits à la manière d'un bonjour matinale, devenu obsolète avec le temps.
"Ton frère va être débranché aujourd'hui. On ne peut pas attendre plus longtemps qu'il se réveille. C'est fini."
L'infirmière avait écouté sans broncher et se tenait bien droite, attendant les instructions qu'on lui donnerait.
Sakura écarquilla les yeux, voulut bouger, mais son corps ne lui répondait plus, son esprit, lui, explosait, projetant partout des idées indescriptibles et incompréhensibles, donnant un millier d'ordres à la fois au pauvre corps qui ne pouvait que trembler sous le choc de l'émotion.
Puis elle cria.
Un cri terrible, douloureux, qui fit trembler chaque âme présente dans le bâtiment sauf le père qui devait s'attendre à telle réaction de sa fille, tandis que la mère s'effondrait dans un sanglot tout aussi déchirant que le son de souffrance qui s'était échappé du fruit de ses propres entrailles.
Se jetant sur le lit, où se tenait son frère, elle l'enlaça et l'étreignit aussi fort qu'elle le pouvait comme si cela pourrait le protéger de l'inévitable.
"Je t'en supplie! Réveille-toi! C'est maintenant que tu dois ouvrir les yeux! Ne m'abandonne pas comme ça, je suis venu tous les jours te voir, aujourd'hui c'est à ton tour de faire quelque chose pour moi! Vis!"
Le garçon entendait la plainte en lui. Il avait tout suivi et savait, il s'y était préparé depuis la première que ses parents en avaient parlé, il y a un an de cela. Il aurait tant voulu réconforter la petite fille qui laisser couler ses larmes dans son cou mais malgré ses treize années d'effort, il n'avait jamais su bouger le moindre membre, faire frémir la moindre parcelle de peau, donner un signe de sa présence à l'extérieur de lui, il était là et c'était tout, bientôt il ne serait plus rien. Il aurait tout de même aimé juste une fois voir le visage de celle qui lui avait tenu compagnie le plus clair de son temps... Le visage qui se cachait derrière la si douce voix de sa sœur.
L'infirmière observait le père qui restait totalement impassible, quand il sentit qu'il était observé il tourna la tête vers l'aide-soignante et comprit ce qu'on attendait de lui, il émit un simple hochement de tête, si bref, presque invisible, mais mortel pour son propre fils, l'infirmière sembla répondre par le regard puis se tourna vers le bric-à-brac électrique qui était sa mission.
Soudain la lumière sembla baisser... L'éclairage diminuait dans la pièce, la fenêtre ne filtrait plus la lueur du jour, comme si l'astre solaire lui-même voulait rendre hommage à cette fin. Un terrible grondement se fit entendre, si puissant, ce ne pouvait être le tonnerre tant la terre en était affectée. Le père repensa, presque par réflexe, à ces histoires de fin du monde dont on parlait tant l'année précédente, sur base d'un calendrier maya, et autres contes de fées... Il regarda par la fenêtre quel pouvait être l'origine du phénomène, et constata, non sans laisser échapper un léger tremblement de sa masse sans émotion, qu'une chose énorme cachait le soleil, une chose rougeoyante, qui avançait à grande vitesse vers la Terre, vers l’hôpital, vers sa famille, vers lui.
Il n'eût pas le temps de dire quoi que ce soit, la chose avait été bien trop rapide, il se désintégra en entendant les dernières paroles de sa fille alors que l'infirmière coupait machinalement l'alimentation des appareils vitaux pour son fils: "lui n'a pas pu vivre, laissez-lui sa chance et prenez-moi à sa place!"

                                                                        ***

Akiro Yóukè ressentit le vent sur sa peau et prit peur.
Cela faisait tout de même treize ans qu'il n'avait plus rien ressenti. Il sentait le sol sous lui et autre chose sur lui.
Son cou était humide, il redécouvrait les sensations que procurait l'eau coulant sur sa peau.
Bien qu'il se sentait fatigué, il sut qu'il était en vie.
Une joie sans pareil l'envahit.
"Regarde petite sœur! Je suis réveillé!" dit-il en sursautant, surpris par sa propre voix qui  était si différente du souvenir qu'il en avait gardé.
Alors, pour pouvoir enfin voir celle qu'il avait attendu pendant si longtemps il ouvrit les yeux et découvrit au-dessus de lui, un magnifique ciel bleu, aveuglant de beauté, peuplé de vie. Le monde.
Prenant son temps, il tenta doucement de se redresser, mais se retrouva bloqué par une masse qui était lourde pour ses muscles sous-développés par sa longue convalescence, il trouva pourtant un moyen de s'en débarrasser: d'une impulsion de son bassin (qui lui retourna tant l'estomac qu'il en eut des nausées pendant une bonne heure) il se plaça sur son flanc gauche, et cela fonctionna, la chose qui le bloquait tomba de son ventre et se retrouva au sol, face à lui.
Il croisa alors une magnifique paire d'yeux, vert clair, dont l'un d'eux était à moitié caché par une petite natte brunâtre, des traces salées couvraient des joues blanche crème sous ces deux fragments de jade. Encore plus bas, se trouvait une bouche, ouverte sur une plainte qui s'était éteinte...
Ce qui avait gêné le garçon était ce qu'il restait de sa sœur, un cadavre sans vie.
C'est ainsi qu'Akiro cria à son tour, pour la première depuis treize ans. Le cri d'un nouveau-né.
Chapitre 1.2:



Angleterre.

"Arrête de me suivre partout de cette manière, t'as l'air d'un crétin de chien!"
"Je suis navré de vous offusquer ainsi, mais c'est monsieur votre père qui m'a donné pour ordre de veiller sur vous."
La jeune fille envoya un coup de poing vers le garçon qui esquiva sans le moindre mal le mouvement en pivotant légèrement son corps.
"Mademoiselle Lindon! Cessez ces niaises pitreries, votre père vous a élevée dans un milieu où les bonnes manières sont censées avoir le dessus sur votre conduite...indécente!" gronda doucement l'adolescent.
"Je t'ai déjà dit de m'appeler Suzanne!! Mon père ne t'a pas engagé pour me faire des leçons de morale, d'ailleurs t'es trop jeune pour pouvoir me dire comment me tenir."
La dénommée Suzanne envoya une pichenette dans le nez de son interlocuteur à l'aide de son index et s'enfuit en courant dans le manoir afin de tenter de semer le garçon.
Celui-ci soupira en la voyant disparaitre dans un couloir... Elle n'avait aucune éducation, ce qui était bien étonnant pour une fille née dans une famille comme celle des Lindon, future riche héritière d'une fortune colossale, on avait bien tenté de lui inculquer les bonnes manières, mais rien n'y fit.
C'était...le vilain petit canard.
Le garçon, prénommé Allen, était lui aussi destiné à un avenir radieux avant qu'il ne décide de laisser tomber ses études pour assurer la tâche de majordome auprès de la famille de Suzanne. Ce choix avait été fait pour la jeune fille, évidemment, mais il s'était interdit tout contact intime avec elle, son devoir devait s'arrêter avant tout à sa protection.
De toute manière, jamais il n'aurait pu avoir un moment agréable avec elle même s'il avait tout fait pour, l'adolescente, si on pouvait encore la considérer comme telle du haut de ses dix-huit printemps, le fuyait comme la peste...
Allen aurait dû se montrer plus ferme envers elle. C'est du moins ce que lui conseillait le chef de la maison quand il lui confiait la tâche ardue qui était de la surveiller.
On aurait pu s'étonner quant à son travail, être majordome si jeune était assez rare, l'on pouvait dire que cela n'était jamais arrivé. Mais le garçon était né dans une famille presque aussi noble que les Lindon et il s'était prêté au jeu de la bonne image respectable, il fut aussi formé à l'escrime afin de pouvoir se défendre s'il devait faire face à un quelconque danger, être riche n'étant pas toujours de tout repos.
Il devint vite la coqueluche de la bourgeoisie anglaise, très prisé par les jeunes filles cherchant un bon parti, car en plus d'être parfait intellectuellement ou presque, il était doté d'un corps qui ne laissait pas indifférent la gente féminine: une chevelure mi-longue d'un blond comme l'or répandus équitablement sur toute sa tête, des yeux sombres dont la couleur était difficilement discernable mais dont aurait penché soit pour le marron soit pour le noir; sa puberté étant déjà bien entamée, quelques poils commençaient à lui pousser au-dessus de la lèvre supérieure, lui conférant une virilité à laquelle il était dur de résister. Sa peau était quelque peu bronzée, souvenir de ses nombreux voyages avec sa famille dans le monde entier. Son corps était fin et à la fois musculeux, on sentait qu'il était capable de tenir certaines épreuves de forces et de souplesse. Un homme quasi idéal si l'on écoutait les rumeurs.
Mais, infamie du destin, coup du sort malicieux, il s'était épris d'une fille qui ne semblait éprouver que de la haine pour lui, des cheveux noirs en cascade posés sur une tête de poupée aux yeux bleutés, un nez aussi fin que le raffinement pouvait l'être, et même si l'adolescence n'avait pas encore eu raison de son corps, la laissant sans les formes tant appréciées des don Juan et autres rustres, elle avait en elle l'harmonie parfaite de la douceur et de la rage qui en faisait une personne mystérieusement attirante.
Allen rêvait encore d'elle quand il se rendit soudain compte qu'il avait laissé à la jeune fille une trop longue avance, et partit à sa poursuite à travers les longs couloirs de la bâtisse.
Elle n'avait que très peu de bonnes cachettes mais débordait souvent d'imagination pour en trouver de nouvelles, défiant parfois les lois de l'univers en rentrant dans des espaces si exiguës qu'il aurait été difficile d'y faire rentrer plus grand qu'un chien domestique. Il frissonnait chaque fois qu'il imaginait ce qui aurait pu arriver à la jeune fille s'il n'avait pas pensé à vérifier dans le lave-linge si elle ne s'y trouvait pas.
Parfois, dans le meilleur des cas, elle n'avait tout simplement pas envie de se cacher et partait s'enfermer dans sa chambre... Dans ces cas-là, l'adolescent n'était qu'à moitié rassuré, il la savait au moins en sécurité, mais que pouvait-elle bien y faire?
Arrivé devant la porte de la pièce en question (il vérifiait toujours ce lieu en premier), il toqua trois coup afin de signaler sa présence.
D'habitude, quand la jeune femme se trouvait dans sa chambre, elle l'accueillait d'un simple "va te faire foutre!" mais étonnamment, cette fois-là un agréable "entre donc cher Allen" se fit entendre...
Guère rassuré pour autant le garçon risqua un œil à l'intérieur et vit sa protégée regardant par la fenêtre d'un air songeur. Elle était belle dans son jean bleu-gris peut-être un peu trop serré pour elle et son débardeur noir qui était par contre plutôt large.
"Approche." ordonna-t-elle d'une voix plate.
Qu'allait-elle faire? C'est la première fois qu'elle le laissait entrer ainsi dans sa chambre.
Il en profita pour lancer un regard circulaire pour détailler la pièce. La chambre de princesse à laquelle il aurait pu s'attendre était en fait un genre d'enfer, tapissé de posters de groupes de musique à moitié nu et au visage grimaçant, certains ayant le visage masqué par des reproduction de têtes monstrueuses ayant parfois des références sataniques. Sur le sol était dispersé des feuilles de papier couvertes de graffitis, il y avait dû y avoir quelque chose en dessous que Suzanne avait voulu cacher.
Il sursauta quand il comprit qu'il avait failli bousculer celle-ci en avançant sans regarder où il mettait les pieds.
Sentant sa présence, elle se tourna brusquement vers lui et le regarda dans les yeux, laissant planer un lourd silence qui ne présageait rien de bon au garçon, qu'allait-elle encore faire?
"Tu m'aimes n'est-ce pas? Le premier jour quand t'as été voir mon père pour être engagé ici, tu lui as dit... Tu veux être à mes côtés, pour me protéger." demanda-t-elle.
Pris de court par la question, Allen chercha en tête une réponse qui lui permettrait de s'en sortir dignement mais il n'en eut pas le temps car l'adolescente lui attrapa le menton et l'attira vers elle, non, précisément elle approchait sa bouche de la sienne!
Une foule de pensées contradictoires s'enchainèrent dans la tête du pauvre garçon qui ne savait pas du tout quelle réaction avoir, il ne pouvait que se laisser faire, sa tête avançant contre sa volonté, ou presque, vers l'être qu'il aimait plus que tout.
Quand les lèvres se rencontrèrent, il crut que son cœur avait lâché car durant une demi-seconde il s'arrêta. Le silence fut total autour de ces deux personnes qui s'enlaçaient dans un baiser passionné, où chacun goutait à un plaisir qui lui était encore inconnu, s'étant réservé pour celui vers qui les sentiments, les vrais, se tourneraient.
Mais tout fut brisé lorsque Suzanne se libéra:
"Haha! Je t'ai eu! Tu crois vraiment que je peux avoir des sentiments pour toi, abruti? Tu n'es pas du tout mon genre. Je voulais m'amuser un peu avec toi."
Allen regarda la jeune fille stupéfait, c'était sans aucun doute une incarnation du diable qu'il aimait. Pendant une fraction de seconde un voile de tristesse passa sur son visage, une tristesse muette, la pire, celle que l'on cache mais qui vous met le cœur en charpie.
Suzanne le vit mais lui ne remarqua pas la culpabilité mêlée à une terrible tristesse passer sur le visage de la jeune femme.
Tout à coup les lumières s'éteignirent, la nuit s'étant levée depuis un bon moment, les deux jeunes gens se retrouvèrent plongés dans le noir.
Leur regard se tournèrent vers la fenêtre par laquelle on pouvait voir le ciel s'embraser comme s'il était de papier; inconsciemment, la main gauche de Suzanne se glissa dans la main droite d'Allen qui la serra alors qu'autour d'eux, le manoir explosait dans un vacarme assourdissant.


                                                               ***


Suzanne ouvrit ses yeux océans sur un monde qu'elle ne connaissait pas. Une multitude d'arbres l'entourait et à côté d'elle était allongé Allen, inconscient, dans son costume qui le faisait ressembler à un manchot. Elle tenait encore sa main.
Un ange passa alors qu'elle observait ses doigts enlaçant les siens, et elle ne put que sourire tristement en la lâchant doucement.
Elle se redressa sur ses jambes étrangement endolories et observa mieux les alentours...
Où est-ce qu'ils avaient bien pu tomber?
Elle se rappelait vaguement une explosion et une grande vague de chaleur mais c'était à peu près tout. Son regard se porta à nouveau sur l'adolescent, tout comme son pied lorsqu'elle lui shoota dedans afin de le réveiller.
"Debout! Toi qui voulais me protéger, tu vas pouvoir faire tes preuves."

samedi

Chapitre 1.3:



France.

Gabriel se réveilla en sursaut, trempé du fluide glacial de la peur, le palpitant dansant sur un rythme endiablé qu'un groupe de hardcore métal devait jouer en ce moment même dans son corps. S'épongeant le front de manière négligée, il porta toute son attention sur le mur en face de son lit...ou plutôt ce qu'il en restait. Cela faisait une semaine qu'un trou béant y était apparu, un couloir noir dont on ne pouvait voir le bout, ni les murs d'ailleurs tellement l'éclairage était mauvais. Le garçon avait par ailleurs tenté de braquer le faisceau lumineux d'une lampe de poche à l'intérieur mais la lumière semblait être absorbée comme dans un de ces trous noirs de l'espace qui pouvaient absorber toute matière.
Étrangement, il était le seul capable de le voir, les autres personnes qui regardaient le tunnel ne voyaient qu'un mur... Totalement déconcerté, il avait déjà tenté de pousser un de ses amis contre le mur pour le faire réaliser que le mur n'en était plus un mais il avait été bloqué avant de passer à l'intérieur, comme si la façade avait bien été là.
Mais ce n'était pas tout, Gabriel entendait des voix émaner de l'ouverture, des voix qui l'appelaient, du moins c'est ce qu'il croyait car il était attiré par ces appels, il se sentait directement concerné, c'était tout à fait logique comme pensée puisqu'il était le seul à voir le couloir et à entendre les voix.
Il avait cru d'abord avoir des hallucinations, mais, poussé par la curiosité, il avait tenté de glisser un bras dans l'entrée du mur, et son membre avait disparu, avalé par les ténèbres de l'endroit. Il l'avait bien vite retiré, effrayé de ce qui pouvait l'attendre à l'intérieur et s'était promis de ne plus chercher à traverser ce tunnel.
Le hasard, ou le destin, avait fait que la chose était apparue juste devant le lit qu'il occupait dans le vieux hangar désaffecté qui lui servait de maison à lui et toute une bande de désœuvrés... L'endroit était bien pratique pour se protéger des dangers des rues la nuit et cela devenait même un lieu vital en hiver quand le froid se faisait insupportable pour le corps. C'était un problème de réglé pour sa petite famille; il subsistait quand même celui de la faim, préoccupant le plus clair du temps et bien trop souvent source de larmes lorsqu'une âme ne pouvait plus supporter le traitement qu'on lui infligeait et quittait son corps pour laisser ce dernier sans vie.
Gabriel, malgré son tempérament rêveur qui lui permettait de tenir bon dans cet environnement destructeur, était pour le groupe un "chasseur", c'est lui qui ramenait de l'argent, de la nourriture et autres matériaux nécessaires ou utiles qu'il récupérait de diverses manières, allant de la récupération de poubelles, jusqu'au vol avec intrusion.
Aux yeux du groupe, tous les moyens étaient bons pour survivre dans le monde de ceux qui meurent gras. C'est comme ça qu'ils appelaient les gens de l'extérieur, ces riches qui se plaignent de ne pas l'être plus que leurs voisins, les Gras.
Bien sûr, Gabriel et les autres chasseurs ne s'en sortaient pas toujours indemnes dans leurs escapades, il arrivait qu'un père de famille se réveille, sorte son arme et tire pour sauver la brique de lait manquante entre les blocs de foie gras et les bouteilles de saint-émillion, ou encore pour récupérer les antiseptiques qui auraient pu sauver la vie d'un enfant mourant, rongé par l'infection d'une blessure quelconque. Il fallait parfois donc user de la force pour se défendre et mettre hors d'état de nuire leur assaillant ou bien le ralentir suffisamment pour pouvoir fuir.
Les survivants avaient malgré tout un gros défaut, c'était leur forte compassion. Ils l'étendaient même jusqu'aux Gras où ils culpabilisaient en leur volant des bricoles qui représentaient pour eux de véritables trésors, peut-être qu'ils possèdent toute cette nourriture rangée dans plusieurs placards (c'est ce qui avait le plus surpris Gabriel lors de ses premières missions de récupération, lui habitué à leur garde-manger, une ancienne boite de télévision, jamais remplie entièrement, mais suffisamment, parfois, pour préserver la vie dans leur communauté) parce que ça leur est nécessaire, si ça se trouve en prenant le peu qu'ils volaient, ils causaient la mort d'un membre de la famille victime du larcin... C'était toujours ce que le garçon et sa famille pensaient, et cela les attristait, au point où il était déjà arrivé qu'une deuxième chasse soit organisée dans les maisons pour rendre des biens quand il y avait plus de nourriture que d'habitude.

Gabriel voyait ceux qui partageaient le hangar comme sa famille, mais il est évident que ce n'est pas une famille au sens génétique du terme, non. D'ailleurs ses parents étaient morts il y a deux ans dans leur sommeil, le froid avait eu raison de leur corps qui furent retrouvés bleutés au lever du jour. Le garçon avait donc depuis bien longtemps perdu le droit de penser le mot famille comme un lien de sang, dans ce cas il s'agissait d'une famille liée par un but commun: survivre.
Ce que Gabriel avait adoré dans leur maison de fortune, c'était la fenêtre.
Un morceau de plexiglas étendu sur un bon mètre de large et permettant de voir ce qui se tramait dehors et plus précisément sur l'ancien terrain d'envol qu'utilisaient les avions ayant autrefois été là. C'était comme si on était dehors, mais les engelures en moins. Et le garçon adorait ça! Parfois il arrivait qu'un animal s'arrête non loin de là et l'adolescent le contemplait pendant des heures en se demandant s'il était possible de l'attraper, mais surtout s'il était bon à manger. 
Il n'avait pas à se plaindre, les chasseurs bénéficiaient d'un traitement de spécial qui leur permettait de manger plus que les autres puisque leur survie était vitale aux autres, y compris leur force. C'est pourquoi il avait un physique assez bien développé pour un ado de dix-sept ans, une musculature saillante, plutôt grand et fin avec un beau visage ovale dont les traits se sont durcis à force d'épreuves. Ses yeux étaient pareils à ceux d'un chat, légèrement plissés et d'un brun rougi à force d'avoir laissé coulé des larmes, il avait des cheveux courts à raz pour éviter d'être gêné lors des raids, c'était plus froid pour son crâne, mais moins risqué, un couteau ou une paire de ciseaux s'occupait régulièrement de leur faire garder leur taille habituelle. Leur couleur était passée du marrons foncé au noir en grandissant, et ses parents, toujours en vie lors de cette transformation, avaient cru qu'il s'agissait de la crasse qui s'emmagasinait sur le système pileux de leur enfant.
Son style vestimentaire par contre, était très très simple, un vieux tee-shirt trop grand pour lui mais qu'il rentrait dans son pantalon aux multiples poches maintenu à sa taille par une ceinture abimée trouvée dans une poubelle il y a quelques mois. Et c'était tout. Pas de sous-vêtements ou de chaussures ou autres fioritures sensées donner un style ou une beauté artificielle.
Il les enlevait pour dormir car il lui arrivait justement d'avoir des cauchemars la nuit comme celui qu'il venait de faire et comme le lavage des vêtements se faisait le lundi et qu'aujourd'hui on était mardi, il lui aurait été bien désagréable de devoir supporter un surplus de sueur sur celle qui s'accumule habituellement la journée.
Frottant ses yeux ensommeillés, se demandant bien à quel moment de la nuit il pouvait être, Gabriel se leva et passa entre les rangées de paillasses sur lesquelles dormaient ses frères et sœurs pour s'approcher de la fenêtre, rituel qu'il faisait après chaque rêve désagréable.
"viens..."
Un murmure dont il connaissait déjà la provenance, le tunnel lui parlait encore. L'adolescent avait fini par s'habituer à la chose et n'y prêtait plus de réelle attention.
"bientôt tout va disparaitre, tu dois venir me libérer."
Dehors la lune brillait de son bel éclat blanc parsemé de tâches noires, entourée de ses amies lumineuses qui semblait faites de cristal.
"passe par le couloir, maintenant!"
Gabriel tressaillit. C'était la première fois que la voix lui adressait un ordre aussi direct, il se retourna vers sa couche, cherchant à discerner la partie du mur où se trouver l'ouverture dans la pénombre, chose qui était aussi aisée que de discerner un chat gris parmi d'autres durant une nuit sans lune.
"Gabriel...approche-toi..."
Son prénom! La chose avait prononcé son prénom pour la première fois! Il n'était pas fou, il l'avait bel et bien entendu, il en était sûr!
Se coulant à nouveau entre les dormeurs, il retourna vers son propre lit pour observer la paroi trouée.
Son corps frissonna sans raison apparente alors qu'il avait le nez à quelques centimètres du vide ténébreux qui lui faisait face et son esprit sembla s'ébranler pour un danger dont le garçon ignorait la nature... Oui, il le sentait vraiment fortement en lui maintenant, un danger terrible était imminent mais...il ne venait pas du couloir, il venait de la fenêtre.
Instinctivement, le chasseur se retourna et constata que la lumière diffuse projetée par la lune à travers la fenêtre s'était mue en un flamboiement chaotique qui s'était répandu à toute la pièce. Surpris et effrayé par ce phénomène extraordinaire, le garçon ne sentit pas la main se saisir de lui et le tirer violemment dans l'ouverture alors qu'au même moment, à l'unisson, sa famille inspirait sa dernière bouffée d'air.


                                                         ***


Gabriel tomba sur un sol presque aussi glacé que celui du hangar, mais ce n'était pas le même sol, il s'en rendit rapidement compte quand il découvrit que celui-ci était constitué de dalles diverses sur lesquelles étaient gravées des gribouillis illisibles.
Derrière lui, une sorte de trône d'or et de satin rouge sur lequel reposait une couronne d'argent, de laquelle émanait une force terrifiante.
"Mais où est-ce que je me suis retrouvé...?" lâcha le garçon malgré lui.
Il avait l'impression qu'on l'avait envoyé chez un Gras car il n'y avait que chez eux qu'on pouvait trouver de l'or. Mais la chose était tout autre, il le sentait au fond de lui.
Soudain la force projetée par la couronne se modifia, faisant vibrer l'air d'une manière étrange, vibration qui finit par se transformer en grésillement, grésillement qui finit par se transformer en une sorte de voix qui demandait simplement:
"libère-moi."

Résumé

Je ne sais pas pourquoi mais je me dis qu'un résumé serait la bienvenue pour les visiteurs... Donc le voila.


Lorsque le monde court à sa perte il n'y a qu'une solution: en trouver un autre. C'est ce qu'un groupe scientifique a réussi à mettre en place au fil du temps. Malheureusement, un membre de ce groupe, résolu à sauver son fils en premier lieu, trafique le système et le jour J c'est tout un groupe d'adolescents qui se retrouve projeté aux quatre coins d'un univers fantastique. Leur but: tous différent, mais au final ils devront s'entraider pour parvenir à leurs fins.
Chapitre 1.4:


Amérique.

"Monsieur Kahn? Je croyais que nous ne devions pas vous voir aujourd'hui...? Et encore moins avec votre fils."
Le scientifique s'empourpra suite à cette remarque, il ne savait pas du tout comment réagir face à la situation dans laquelle il s'était fourré tout seul. Enfin, presque seul puisque son fils l'accompagnait... Celui s'interposa justement en soupirant:
"Laisse-moi faire."
Et il pointa le colt qu'il tenait caché dans son dos depuis leur arrivée sur les lieux pile vers la tête du garde qui leur barrait la route et tira. Le pauvre homme n'eut même pas le temps de prévoir la fin de sa vie, il ne paraissait même pas surpris quand la balle avait traversé son front, traçant une ligne rouge parfaite à l'arrière de son crâne.
Il n'y eut aucun son, Lucas avait pris soin d'installer un silencieux de sa propre fabrication sur l'arme pour éviter d'ameuter les personnes qui pourraient se trouver alentour.
"Tss... Un seul garde. Et il ne s'est pas plus inquiété que ça en te voyant." lâcha-t-il en poussant le corps à l'aide de ses pieds pour dégager le passage.
"Tu n'étais pas obligé de faire ça!" pleurnichait son père en tentant de ne pas regarder le mort, la vue du sang le répugnant trop... En tout cas, celui venant du cadavre d'un homme qu'il avait longuement côtoyé.
"Si je lui avais laissé plus de temps à la réflexion, il aurait pu alerter d'autres gardes et notre plan aurait été à l'eau: je n'ai pas assez de munitions sur moi pour arrêter tout le centre."
Le scientifique secoua la tête pour effacer l'image qu'il venait d'avoir dans son esprit représentant son fils sur une pile de cadavres en blouses blanches maintenant rougeoyantes en train de tirer sur toute vie présente comme un fou... Il se demandait s'il avait fait le bon choix.
Cette décision remontait à il y a plusieurs années, quatre pour être exact, le jour de la mort de sa femme. Un suicide.
L'homme devait l'avouer, il n'avait jamais été présent pour sa compagne, ni pour son fils d'ailleurs... Depuis qu'il avait eu ce job au Centre de Développement des Technologies Quantiques Avancées, tout son temps passait dans son travail, en particulier sur un projet qu'il avait lui-même lancé mais dont il fut plus ou moins écarté. C'était alors une journée tout à fait normale, où l'on effectuait des tests à l'aide de l'invention de Kahn pour évaluer sa fiabilité. Ce n'était pas un appareil anodin, mais plutôt un pas monstrueux pour la science. En effet, l'engin permettait, selon les plans, de passer dans une réalité parallèle à celle de la Terre pour arriver dans un monde inconnu, une nouvelle planète encore inexplorée dont l'emplacement dans l'univers était inconnu à l’œil de la science. Après une dizaine d'années de travaux intensifs, la machine avait été créée et l'on procédé désormais aux tests pour savoir si on pouvait prendre le risque d'y faire entrer un humain. Puis LA nouvelle était tombée, celle qui allait tout changer...
Une alerte de niveau maximale avait été mise en place, tout le monde était sur les nerfs, la peur avait envahi les locaux et on pouvait entendre les hurlements des supérieurs parcourir les différentes salles du centre afin de faire accélérer le travail en cours. Une météorite, d'une taille presque égale à celle de la Terre fonçait droit sur eux, à une vitesse incroyable. C'était l'apocalypse en vrai, inévitable, destructeur. Scientifiquement, un phénomène pareil était impossible de manière naturelle, mais il fallait se rendre à l'évidence: la chose était là et ils allaient mourir s'ils ne faisaient rien.
La seule chance pour l'humanité était donc centrée sur le projet Kahn qui permettrait alors de fuir loin d'ici et d'éviter de brûler vif ou d'exploser à l'arrivée de "Ades" (nom que les astronomes à l'origine de la découverte avaient donné à leur météore planétaire, pensant ainsi devenir célèbres alors que le gouvernement les avait supprimés dans l'heure pour que jamais la nouvelle ne se répande).
Malheureusement il leur restait à peine suffisamment de temps pour achever les tests au complet, jamais tous les humains ne pourraient passer la porte de l'appareil pour être sauvés, il fut donc réalisé une sélection qui déciderait quels seraient ceux qui pourraient être sauvés, en se basant sur des critères stricts quant à l'aptitude à survivre en milieux hostile et d'autres éléments plus complexes. Kahn n'eut pas la chance d'être choisi et sa famille non plus d'ailleurs, sa réaction aurait pu être d'exploser, de tout arrêter, d'être indigné ou même encore d'émettre une objection, c'était tout de même lui le concepteur du salut de l'humanité. Mais non, il était tout simplement résigné, comme à son habitude, de manière semblable aux fois où sa femme le réprimandait quant à ses absences répétées et qui la faisait mourir à petit feu de l'intérieur, ou encore quand son meilleur ami lui avait volé la direction du projet qu'il avait conçu, ou aussi quand son patron diminuait sa paie parce que "il aurait pu faire des plans plus simples tout de même, quel incapable!".
Il rentra donc chez lui très tard, comme à son habitude, dans son attitude résignée de toujours, le visage presque satisfait que le monde lui arrache de petits morceaux de sa vie à chaque jour. Mais ce soir-là, il allait changer.
En ouvrant la porte de sa maison, toutes les lumières étaient éteintes, il n'y avait pas un bruit. Rien d'anormal puisque sa famille devait dormir à une heure pareille. Il n'y avait que les tuyaux d'arrivée d'eau qui semblaient glouglouter de manière étrange, comme une légère fuite... Le scientifique soupira, il aurait à appeler le plombier pour faire réparer ça.
Malgré tout, par souci de conscience, il suivit le bruit à l'oreille afin d'en détecter l'origine. Si jamais de l'eau coulait, ils risquaient tous d'avoir une belle surprise le lendemain matin, les pieds dans l'eau.
Mais une autre surprise l'attendait dans la cuisine: face à lui, une sorte d'animal noir semblait rire par saccade, couché au sol, le corps secoué de tremblements...
Il était difficile de bien voir de quoi il s'agissait puisqu'il avait laissé les lampes éteintes.
Plissant les yeux, il fut rassuré en constatant que ce n'était pas une bête mais plutôt un amas de tissus, non, il y avait aussi une personne dans ce tas... Autant de tissus devaient provenir d'une robe ou d'un rideau.
Tout à coup la chose bougea différemment, faisant apparaitre deux petites pierres luisantes. Et là le père comprit la situation.
Sa femme, habillée de sa robe de nuit fleurie qu'elle aimait tant autrefois était étendue sur le sol, immobile, avec autour d'elle un arc-en-ciel de pilules, gélules et autres médicaments semblables à de joyeux bonbons, et par-dessus cette image de sucre mortel se trouvait un petit être, un enfant larmoyant, secoué de sanglots de souffrances terribles, dont les deux yeux brillaient dans l'obscurité, fixant le témoin impuissant de la scène. Les pierres n'étaient autres que ce regard d'un enfant pour son père. Un regard de haine.

C'est à cet instant qu'il avait pris sa décision! Il allait continuer un projet différent en parallèle de celui qu'il avait déjà avec le centre, la vie avait était trop injuste avec lui et lui l'avait trop été avec sa famille. Ce nouveau projet avait pour but de...
"Papa! Bouge-toi! On perd du temps là..."
Lucas observait son père du même regard dur qu'il avait toujours eu pour observer le monde, un regard si triste, qui avait trop vite grandi.
Le scientifique rejoignit son fils près de la porte de l’ascenseur qui devait les conduire dans le couloir principal menant à son bureau, où avait développé le projet Light-Oméga, référence au projet Light développé par le groupe de chercheurs du centre à partir de ses plans, light signifiant lumière pour la lumière que l'on verrait d'après certaines légendes au bout d'un tunnel au moment où l'on mourait. Mais son deuxième plan était bien mieux à ses yeux, puisqu'il permettrait à lui et son fils de se sauver de ce monde qui allait bientôt périr tout en détruisant la première machine, empêchant ainsi les autres humains de répandre leurs vices dans ce nouveau monde.
Mais pour parfaire son idée il avait eu à entrainer son fils au maniement des armes à feu, car lors de la phase d'infiltration dans le centre il risquait d'y avoir des complications. Mais aussi et surtout, on ne savait pas parfaitement ce qui les attendait de l'autre côté.
Pour permettre malgré tout à l'humanité de perdurer, il avait choisi des adolescents des quatre coins du globe pour les sauver eux aussi à leur insu. La chose n'était pas possible à distance sauf si l'on parvenait à leur injecter dans l'organisme un nanosystème électronique se servant de la même technologie quantique que le projet light.
"Parle-moi d'eux." murmura Lucas à son géniteur alors que l'ascenseur commençait à s'élever, comme s'il avait deviné que le père pensait à eux à ce moment précis.
"J'en ai choisi trois. Deux filles et un garçon. Les premiers viennent d'Angleterre, d'une famille aisée, le garçon est formé à l'escrime et la famille a appris par elle-même à se battre, ils seront donc bien préparés à leur arrivée. Ensuite il y a une jeune Chinoise, très énergique, famille aisée elle aussi, son frère est dans un coma profond depuis sa naissance et sans jamais l'avoir connu elle est toujours restée à ses cotés, elle est tellement...pure."
"Pourquoi eux en particulier?"
"Ils ont été choisis de manière aléatoire, je ne l'ai pas décidé. C'était plus juste vis-à-vis du reste du monde je trouve."
Le garçon garda le silence, il n'était pas totalement de l'avis de son père... Pourquoi ne pas sauver un maximum de personnes?
Gardant ses réflexions pour lui, il sortit de l'ascenseur qui s'était immobilisé et mis hors service un autre garde qui allait parler, un air interrogatif sur son visage à présent vide de toute émotion.
"Dépêchons-nous." murmura simplement le jeune.
Ils trottinèrent jusqu'à l'allée des bureaux des employés et entrèrent dans celui qui les concernait en se faisant le plus discret possible, ce qui n'était pas nécessaire puisque quelqu'un les attendait dedans, ayant déjà donné l'alerte.
"Et bien, je ne savais pas que tu serais capable d'entrainer ton propre fils dans tes magouilles. La mort de ta femme ne t'a pas suffi?"
Les Kahn se crispèrent en apercevant l'homme qui avait tout volé du projet Light, il n'était pas prévu dans le plan, que foutait-il ici alors qu'il aurait dû être auprès de la première machine pour se préparer à son voyage dans l'autre monde.
Comme s'il avait compris à l'avance les questions qui se posaient, l'homme prit la parole:
"Je t'ai observé crétin! Tu es tellement facile à suivre... Et prévisible avec ça. J'avais vu que tu apportais des matériaux dans ton bureau, alors je suis entré par effraction et j'ai..."
Un sifflement dans l'air l'interrompit, pour toujours. Lucas rechargea son arme et referma la porte du bureau à l'aide de la clé que son père, hébété par la situation, tenait dans sa main.
"La garde ne va pas tarder, alors on se grouille de lancer ton foutu appareil et on se casse de là en vitesse!"
Le père hocha de la tête en signe de compréhension et se jeta sur son ordinateur et lança le programme de démarrage de Light-Oméga. L'installation avait été faite au plafond, suffisamment haut pour que personne ne la remarque, enfin c'est ce qu'on aurait pu penser jusqu'à maintenant si le cadavre d'un employé du centre ne s'était pas trouvé dans le bureau de Kahn pour la raison inverse.
Un grésillement émanant de l'appareil débuta, se faisant de plus en plus fort au fur et à mesure que le temps passait. Des lumières clignotèrent au plafond et le scientifique parut s'en satisfaire car il afficha un grand sourire.
"Voilà, le processus est en train de s'enclencher pour la Chine et l'Angleterre. Ah! Et prend ce sac derrière toi, il contient quelque chose d'important qui nous sera utile." affirma-t-il avec conviction en pointa une direction qui semblait désigner son fils.
Ce dernier récupéra l'objet et en vérifia le contenu: un ordinateur.
"Aura-t-on vraiment..." Commença-t-il avant d'être interrompu par la porte qui s'ouvrit à la volée par un homme armé de ce qui semblait être une mitraillette qu'il pointa en direction du scientifique, négligeant l'enfant qui avait dégainé et tiré. Plaçant le sac sur son dos, il sortit rapidement de la pièce pour empêcher d'autre personne d'entrer, lançant simplement un "magne ton cul!" à son père qui fit de son mieux pour accélérer le processus.
Plusieurs coups de feu éclatèrent dans le couloir et Kahn priait pour que sa progéniture s'en sorte indemne, il avait confiance, bien entendu, mais c'était plus fort que lui, le projet était devenu tellement concret et tellement énorme que l'adrénaline avait noyé tout son corps devenu tremblant.
Enfin, le programme daigna lancer la machine qui projeta un arc électrique sur le sol avec un bruit sec ressemblant à celui qu'on entendait lorsque l'on prenait une gifle... Ayant reconnu le bruit que lui avait décrit son père, le jeune Lucas pénétra à nouveau dans la pièce, à reculons cette fois-ci, son arme braquée devant lui, libérant parfois un trait mortel. Une tache rouge s'élargissait au niveau de son épaule mais il n'avait pas l'air de l'avoir remarqué.
"J'y pense, cria-t-il soudain pour couvrir le bruit des coups de feu, ton engin va se détruire après avoir été utilisé? N'importe qui pourrait nous suivre!"
L'homme de science blêmit, il n'y avait pas pensé. Trop tard, ils devraient faire avec.
"Non, ce n'est pas grave, on trouvera un moyen de bloquer le passage! Viens, filons d'ici!"

Et l'homme se jeta sous l'arc électrique qui le désintégra.
Le fils continuait de mettre en joue son groupe d'ennemi qui se faisait de plus en plus imposant, il recula jusqu'à être à un centimètre à peine du passage, puis il dévia son arme et tira dans l'ordinateur de son paternel qui explosa sous le coup.
A ce moment-là, le garçon sentit un changement opérer en lui, quelque chose se troubla, ses sens se mirent en alerte: un danger se préparait. Il comprit que cela allait bientôt arriver, la fin du monde était à quelques secondes de ce moment. Il fit un pas en arrière et disparut alors que le faisceau d'électricité s'éteignait avec le reste de l'humanité.


                                                           ***


Un enfant d'une quinzaine d'années, de petite taille, les cheveux bruns coupé plutôt court sur une tête rondelette pour un corps mince et doté d'une paire d'yeux noisettes par-dessus un nez aquilin surmontant lui-même une bouche tordue en une moue qui donnait l'impression de tout juger, venait d'apparaitre au centre d'une plaine aux côté de son père qui était au summum du bonheur.
"On a réussi! On est passé de l'autre coté!"
"Ouaip. On fait quoi maintenant?" Demanda Lucas sans s'attarder sur la joie naïve de son père.
Montrant le sol qui avait plus l'air d'être artificiel que de faire partie du décor de mère nature sous lui, l'homme expliqua:
"J'ai installé une cache ici avec les réserves dont je t'avais parlé: armes, munitions, nourriture, de la lecture aussi et d'autres petites choses utiles. Il y aussi un système de réseau qui fonctionné à la manière d'un satellite, projetant des ondes sur toute cette planète afin d'envoyer les informations nécessaires aux autres humains qui doivent être eux aussi arrivés. Sous mes pieds il y a en fait une porte verrouillée par un système de reconnaissance vocale à ma voix et la tienne, il suffira donc que toi ou moi lui demandions de s'ouvrir pour qu'elle accède à notre demande, il en va de même pour la refermer."
Le fils voulut poser une question mais il fut surpris de voir qu'une moitié de son père avait disparu, laissant un corps avec un bras, une jambe, une tête miraculeusement intacte et un abdomen sanguinolent dans un tel état qu'il était incroyable que ce tas de viande qui restait puisse encore vivre. Une bête énorme ressemblant au croisement entre un lion et un tas de moisissure verdâtre venait de trouver son repas. Se préparant à le finir, elle ne put voir qu'on lui avait enfoncé une bonne dizaine de balles de pistolet dans le crâne et qu'à présent, ne ressemblant plus du tout à un lion, elle tombait tel ce qu'il restait d'elle: un tas de moisissure informe qui ne pourrait que pourrir après avoir ôté la vie à une créature pour rien. Lucas s'avança vers l'homme qui fut autrefois son père, il respirait d'une manière rauque qui répugnait le garçon tandis qu'une odeur de sang s'élevait dans l'air, formant un parfum étrange en se mêlant avec l'odeur de la poudre. L'homme
agonisait, il ne pouvait survivre c'était certain, son sang recouvrait la porte cachée de l'endroit qui aurait dû le protéger, lui et son fils, quelle ironie.

Sachant parfaitement quoi faire, Lucas Kahn leva son arme et la plaça entre les deux yeux de son père. Lui éviter toute souffrance inutile...
"Merci papa, tu as parfaitement réussi ton plan."
Et il tira.

Enfin ^^

Et voila!
J'ai fini par ouvrir un blog consacré à un roman que j'écrirai au fur et à mesure (je ne sais pas pourquoi mais j'ai l'impression d'avoir réalisé un exploit en écrivant le prologue.)
Le titre, vous l'aurez deviné, est "Basmar" (référence à mon premier roman plus ou moins abouti que je vous ferai peut-être aussi découvrir).
Pourquoi? me direz-vous.
Tout simplement parce que j'adore écrire, imaginer, donner une certaine vie à mes rêves et idées, ainsi qu'à mes personnages. J'y ai longuement réfléchi, et j'ai fini par me laisser tenter, cela me permettra d'améliorer mon style. Je compte sur vous pour me donner vos avis afin que je puisse évoluer.
A bientôt :D





Chapitre 1.5:



Italie.

 
"Plus vite!" vociférait le vieux sous sa forme fantasmagorique de spectre tout en planant à haute vitesse, sans pour autant se fatiguer, aux côtés du futur sauveur de son monde.
Ce dernier était haletant et sa gorge le brulait, ses jambes, pourtant musclées et habituées aux entrainements, menaçaient d'abandonner tout effort pour laisser leur maître cloué au sol... S'essuyant l'un de ses yeux ,aussi verts que deux fragments de jade translucide, qui se noyait dans une mare de sueur salée et acide provenant de son front, Yan faisait tout son possible pour tenir le rythme rapide que lui imposait l'urgence de la situation. Ses cheveux noirs, bien que courts, ne pouvaient s'empêcher de coller à son crâne et son front de manière désagréable, l'homme qui appréciait d'habitude ce genre d'exploit physique se sentait au plus mal, ce devait sûrement être le pire moment de sa vie. La chose était arrivée d'un coup, une sensation désagréable qui se développait dans l'air de plus en plus présente et oppressante, résonnant dans ses oreilles, silencieuse et pourtant tellement audible, il aurait pu s'arracher la tête qu'il l'aurait fait. Cela lui donnait l'impression à certains moments que c'était en fait les appels de tous les morts qu'il y allait avoir qu'il entendait à l'avance. Le vieil homme s'était matérialisé dans sa chambre alors qu'il vérifiait ce qu'il avait préparé pour son voyage, apportant une mauvaise nouvelle... Suite à un problème d'énergie, que le judoka avait eu du mal à avaler de la part de son nouveau maître, le passage menant à l'autre monde serait créé au sommet d'un volcan, inactif heureusement. Le Mont Vultur n'était qu'à une bonne vingtaine de kilomètres, mais le spectre avait précisé qu'il ne leur restait qu'un temps approximatif de trois heures, ce qui aurait pu être tout à fait acceptable si la voiture n'avait pas décidé de tomber en panne... Refusant catégoriquement d'en voler une, le combattant fut contraint de courir à travers le paysage naturellement vert qui l'entourait comme si la mort elle-même le poursuivait, ce qui en un sens était vrai.
Les deux premières heures furent utilisées au mieux dans cette course épuisante à laquelle l'homme n'avait pas été préparé et qui allait bientôt se finir puisqu'il avait atteint le pied du Mont.
"Il nous reste un peu moins d'une heure." annonça le vieux, révélant une information que Yan connaissait déjà.
"Nous n'avons pas le temps d'emprunter un chemin normal pour monter au sommet, il va falloir couper, ce qui signifie que je vais devoir escalader." murmura le terrien en canalisant son souffle au mieux pour le calmer et ralentir quelque peu les battements du sang dans tout son corps.
"Tu penses y arriver en moins d'une heure?"
Yan jaugea l'épreuve qui l'attendait et qui n'était pas des moindres, le volcan s'élevait vers le ciel, portant divers arbres et plantations sur son manteau de pierre et de terre, il se courbait de manière joyeuse comme pour se moquer du funeste sort qui avait presque scellé la vie de celui qui allait l'escalader.
"Je n'ai pas le choix, on m'attend en haut."
Remettant son sac correctement sur ses épaules et étirant rapidement les muscles de ses bras le jeune homme attaqua l'ascension qui déciderait du destin de toute une planète.
Ses mains s'agrippaient aux meilleures prises possibles, ce n'était pas le moment de jouer les cascadeurs fous et risquer de compromettre son avancée, ses mains s'écorchaient aux ronces qui passaient par là pour offrir leur aide aux doigts aveugles mais pas insensibles, malheureusement... Pourtant le judoka contenait sa souffrance qu'il savait nécessaire, son pouce érafla le tranchant d'une pierre et la tâcha d'un symbole de sang, son pied gauche quant à lui se posa sur une motte de terre qui ne se raccrochait elle-même en fait à rien et manqua de le faire chuter s'il n'avait pas attrapé de ses deux mains la racine salvatrice d'un arbre qui avait poussé non loin de là. Le seul souci fut à ce moment-là que ses pieds ne trouvaient plus aucune prise pour lui permettre de se hisser plus haut.
Alors l'homme comprit, il comprit que la situation était ridicule, insensée, inutile; il redressa son visage vers le fantôme de son maître qui l'attendait un peu plus haut, et lui cria:
"Pourquoi?! Pourquoi avez-vous manigancé tout ça? Je sais très bien que vous étiez capable de mettre ce passage dans ma chambre directement au lieu de le placer tout là-haut. Quelles étaient vos intentions en faisant cela?"
L'interpellé laissa passer un court silence qui fit frissonner le combattant suspendu dans le vide, puis se mit à rire.
"Franchement, tu penses que sauver un monde ne nécessite que de courir quelques mètres et d'appuyer sur un bouton? Tu auras à subir des épreuves bien pires que celle-ci, et si tu n'es pas capable de passer cette difficulté, alors tu ne nous serras d'aucune utilité."
C'était donc un test, le vieux voulait juste voir si l'homme était capable de se sauver de la fin de son propre monde avant de pouvoir aider la planète du spectre. S'il arrivait en haut, alors il pourrait faire face à la suite, mais s'il venait à mourir ici, cela n'avait pas d'importance car le résultat aurait été le même derrière le passage.
Pris d'un soudain flux d'adrénaline, le judoka se hissa par la force de ses bras à la racine, frappa des pieds contre la paroi du Mont Vultur et fit un saut d'un bon mètre pour se rattraper presque par miracle à la roche, entaillant encore plus ses doigts, les faisant cracher le fluide rouge de la vie.
La folie semblait s'emparer de l'esprit de Yan car il continua ainsi sa progression, par sauts et par coups de chance. Peu lui importait sa vie, il devait faire au mieux pour celle des autres. Ses cascades empiraient ses nombreuses coupures, et il priait pour que ses doigts tiennent le coup jusqu'en haut, alors qu'il venait d'y arriver sans s'en rendre compte. S'agrippant au sommet, il se hissa dans un ahanement terrible, marquant la réussite de son objectif.
Le passage était là, sombre comme le destin de la Terre, une déchirure dans l'espace qui ressemblait à un tunnel aspirant toute lumière pour l’annihiler dans ses propres ténèbres. Yan marqua une pause en voyant la chose, ses doigts rythmant ses expirations par une nouvelle goutte de sang, ses jambes tremblantes, sa cheville sur le point de rompre sous l'effort qu'elle avait subi.
"Ne me dis pas après tout ce chemin que tu as peur du noir." plaisanta son maître qui semblait satisfait des prouesses de son apprenti.
Ce dernier secoua la tête avec un sourire forcé et s'engagea dans le passage avec l'étrange impression de se rendre en enfer.
Là où il se trouvait il y a quelques secondes de cela, une énorme fissure de feu ouvrit le volcan en un milliard de particules, tout comme le reste du monde qui venait de mourir comme la petite Sakura, ou encore ce cher monsieur Kahn, scientifique respectable qui n'avait pas su s'imposer, ou tous ces gardes qui n'avaient pas su faire leur travail correctement, ou même encore cet homme dont le nom fut effacé des mémoires et qui avait volé le travail qui avait permis à une bande d'adolescents, inconsciente de ce qui venait d'arriver, de se retrouver dans un endroit qui devait les protéger.


                                                            ***


Endroit non identifié.


Yan s'était retrouvé, un peu surpris, dans une grande forêt, paisible et calme, à peine perturbée par des chants d'oiseaux inconnus, à l'intérieur de laquelle ne résonna pas cette sensation de mort qui faisait trembler le jeune homme quelques secondes auparavant.
Le spectre du vieillard était toujours là.
"Tu t'en es très bien sorti. Je te félicite. Tu es donc apte à tenter de permettre à ce monde de survivre."
Balayant les compliments d'un geste de la main, le judoka demanda:
"Mais comment suis-je censé réaliser pareil exploit? Je ne sais vraiment pas par où commencer."
Glissant tout près du visage de l'homme, l'esprit expliqua dans un sourire que dans ce monde existait des choses qui dépassait l'esprit des terriens, les lois physiques et naturelles n'avait pas réalité ici, la magie n'était que banalité, une forme d'art comme une autre dans le combat et la vie de tous les jours... Il existait aussi des choses que l'on nommait "les artefacts du roi", des objets de grande valeur possédant un grand pouvoir qui serait suffisant pour arrêter n'importe quel mal, aussi grand fût-il. Disséminés dans ce monde, c'était leur seule chance de salut.
"Je ne peux malheureusement pas te dire où elles se trouvent, tu devras te débrouiller par ta seule personne de ce côté. Par contre, j'ai un présent qui t'aidera grandement en cas de problème."
Et à la main du jeune homme apparut un anneau argenté parfaitement adapté à son annulaire, qui semblait à présent soudé à sa peau... 
"Ne l'enlève jamais, car il est extrêmement précieux et rare. Son pouvoir te permettra de..."

                                                             ***



Akiro se réveilla dans un lit, il en fut effrayé et rassuré, il avait rêvé s'être réveillé dehors et que sa sœur était morte... Il se redressa tant bien que mal, son corps avait du mal à obéir à ses ordres, après autant de temps d'inactivité c'était sûrement normal.
"Je suis donc réveillé pour de vrai cette fois..." pensa le garçon dans un soupir.
Autour de lui, les murs semblaient être faits de bois, cela lui rappela les cabanes que les enfants fabriquaient parfois dans leur jardin, son lit semblait avoir été lui aussi construit de manière non professionelle, cela ne le dérangeait pas car ses sensations étaient encore faibles pour trouver cela désagréable. Une table de chevet en bois était à côté de lui, dessus se trouvaient des vêtements qu'il ne connaissait pas, faits de tissus bleutés. Il comprit bien vite que cela lui était destiné quand il constata qu'il était nu sous sa couverture de peau... Il se redressa en se tenant au mur à coté de lui, ne sentant pas les échardes se planter dans ses doigts, puis s'habilla de manière malhabile, manquant à chaque fois de peu de se retrouver au sol. Sa tâche accomplie il sortit de sa chambre et se retrouva dans une pièce remplie de bric-à-brac dans laquelle une douce odeur de pain grillé planait, cela lui offrit un joyeux haut-le-cœur quand son estomac se retourna par la faim, chose qu'il n'avait pas sentie depuis longtemps. Une porte brune était entrouverte là où il y avait le plus de place pour marcher et laisser l'air de l'extérieur entrer, glaçant le corps de l'adolescent qui aurait bien voulu retourner au chaud dans le lit s'il n'y avait pas passé ses treize dernières années. Dehors le soleil était bien haut dans le ciel, offrant aux yeux un éblouissant paysage de fleurs colorées et d'arbres majestueux s'élevant vers les nuages dans un mouvement synchronisé comme une immense vague de verdure. Plissant les yeux, le Chinois avança pieds nus sur l'herbe fraiche qui caresser ses pieds insensibles faibles, cherchant sûrement à leur faire redécouvrir les plaisirs multiples de la marche.

Un homme se tenait à l'ombre d'un arbre, face à ce qui semblait être une stèle. Sentant la présence du garçon, il se retourna et lui fit un pâle sourire.
"Comment vas-tu gamin?"
Akiro tenta de répondre mais sa bouche restait ouverte sans qu'un son puisse en sortir, il n'en avait pas encore la force, il lui fallait plus de temps. Il tenta tout de même d'improviser une réponse gestuelle en hochant de la tête doucement pour ne pas accentuer sa nausée.
"Qu'est-ce qui a bien pu t'arriver... Quand je t'ai retrouvé toi et cette fille. Je me suis permis de lui faire cette sépulture. Je l'ai enterrée avec ses vêtements, je ne voulais pas...enfin tu comprends... Je suis vraiment désolé, gamin."
L'homme avait l'air presque aussi perdu que l'adolescent. Ce dernier n'avait pourtant pas bronché lorsque la mort de sa sœur lui avait ainsi été exposée à nouveau, pas la peine, le visage de l'homme avait suffit à raviver le souvenir de ce qu'il s'était passé ainsi que les larmes, perles de cristal descendant la chair blanche dans un silence troublant.


                                                       ***

Le sang gicla sur la peau de Suzanne qui éclata de rire alors que le monstre qui l'avait attaqué à l'instant roulait à ses pieds. Une mante religieuse de taille humaine.
"Ces machins sont si stupides, il suffit à peine de réfléchir pour leur exploser la tronche!"
Allen regardait, consterné, la femme de ses rêves agiter joyeusement son sabre perlé de rouge au-dessus d'un cadavre monstrueux qui ne semblait pas la perturber plus que ça.
Lui-même avait dû se défendre et tuer, mais ce n'était pas de la jubilation bestiale qu'il éprouvait, c'était plus de la peur face à cet environnement hostile qu'ils découvraient.
"Hé! J'ai reçu un SMS!" s'écria tout à coup Suzanne, ayant rangé son sabre dans son fourreau sans même avoir pris la peine de le nettoyer.
En effet, sur son téléphone portable clignotait l'icône alertant l'arrivée d'un nouveau message envoyé par un correspondant inconnu.
"Il y a donc une forme de vie terrienne ici..." pensa le blond en rangeant à son tour ses deux sabres dans les fourreaux croisés dans son dos.
Cela confirmait sa théorie qu'il avait forgée lorsqu'ils avaient découvert un village abandonné, déserté pour une raison inconnue. Ils avaient fouillé l'endroit de fond en comble malgré que cela rebutait le jeune noble d'entrer ainsi chez des inconnus comme des bandits, mais bien évidemment Suzanne avait déjà foncé. Dans l'une des maisons ils avaient trouvé ces sabres, Allen avait trouvé les siens accrochés à un mur, une décoration bien trop aiguisée à son goût, il avait préféré les prendre tous les deux pour éviter à la jeune femme d'être tentée par ces objets de mort... Malheureusement, celle-ci en avait trouvé un, le manche totalement noir parfaitement adapté à son esprit, il fut trouvé dans un coffre dont elle avait forcé la serrure. Elle avait aussi récupéré un sac qu'elle avait rempli d'objets dont le noble avait préféré ignorer la nature, pensant ainsi s'éloigner au maximum de la complicité de vol.
Puis ils avaient continué leur route au hasard, à la recherche de vie humaine.
Et les monstres étaient arrivés, des créatures affreuses venant surement d'un monde de cauchemar et attaquant les deux jeunes gens qui n'eurent jusqu'à présent pas trop de mal à s'en débarrasser. Suzanne massacrait en frappant de tous côtés comme si son arme était un hachoir à viande tandis qu'Allen tranchait, visait, et piquait juste pour causer une mort rapide et sans faille. Son costume le gênait un peu, et il l'avait déchiré les larmes aux yeux, une pareille pièce de qualité se doit d'être respecté, au niveau des bras et des jambes pour améliorer ses mouvements et les fluidifier davantage.
Enfin, ce message était arrivé... Suzanne l'ouvrit et en lut le contenu.
"Bonjour Suzanne et Allen, j'espère que vous avez réussi à survivre jusqu'à présent..."
Cela s'annonçait prometteur.