samedi

Chapitre 1.5:



Italie.

 
"Plus vite!" vociférait le vieux sous sa forme fantasmagorique de spectre tout en planant à haute vitesse, sans pour autant se fatiguer, aux côtés du futur sauveur de son monde.
Ce dernier était haletant et sa gorge le brulait, ses jambes, pourtant musclées et habituées aux entrainements, menaçaient d'abandonner tout effort pour laisser leur maître cloué au sol... S'essuyant l'un de ses yeux ,aussi verts que deux fragments de jade translucide, qui se noyait dans une mare de sueur salée et acide provenant de son front, Yan faisait tout son possible pour tenir le rythme rapide que lui imposait l'urgence de la situation. Ses cheveux noirs, bien que courts, ne pouvaient s'empêcher de coller à son crâne et son front de manière désagréable, l'homme qui appréciait d'habitude ce genre d'exploit physique se sentait au plus mal, ce devait sûrement être le pire moment de sa vie. La chose était arrivée d'un coup, une sensation désagréable qui se développait dans l'air de plus en plus présente et oppressante, résonnant dans ses oreilles, silencieuse et pourtant tellement audible, il aurait pu s'arracher la tête qu'il l'aurait fait. Cela lui donnait l'impression à certains moments que c'était en fait les appels de tous les morts qu'il y allait avoir qu'il entendait à l'avance. Le vieil homme s'était matérialisé dans sa chambre alors qu'il vérifiait ce qu'il avait préparé pour son voyage, apportant une mauvaise nouvelle... Suite à un problème d'énergie, que le judoka avait eu du mal à avaler de la part de son nouveau maître, le passage menant à l'autre monde serait créé au sommet d'un volcan, inactif heureusement. Le Mont Vultur n'était qu'à une bonne vingtaine de kilomètres, mais le spectre avait précisé qu'il ne leur restait qu'un temps approximatif de trois heures, ce qui aurait pu être tout à fait acceptable si la voiture n'avait pas décidé de tomber en panne... Refusant catégoriquement d'en voler une, le combattant fut contraint de courir à travers le paysage naturellement vert qui l'entourait comme si la mort elle-même le poursuivait, ce qui en un sens était vrai.
Les deux premières heures furent utilisées au mieux dans cette course épuisante à laquelle l'homme n'avait pas été préparé et qui allait bientôt se finir puisqu'il avait atteint le pied du Mont.
"Il nous reste un peu moins d'une heure." annonça le vieux, révélant une information que Yan connaissait déjà.
"Nous n'avons pas le temps d'emprunter un chemin normal pour monter au sommet, il va falloir couper, ce qui signifie que je vais devoir escalader." murmura le terrien en canalisant son souffle au mieux pour le calmer et ralentir quelque peu les battements du sang dans tout son corps.
"Tu penses y arriver en moins d'une heure?"
Yan jaugea l'épreuve qui l'attendait et qui n'était pas des moindres, le volcan s'élevait vers le ciel, portant divers arbres et plantations sur son manteau de pierre et de terre, il se courbait de manière joyeuse comme pour se moquer du funeste sort qui avait presque scellé la vie de celui qui allait l'escalader.
"Je n'ai pas le choix, on m'attend en haut."
Remettant son sac correctement sur ses épaules et étirant rapidement les muscles de ses bras le jeune homme attaqua l'ascension qui déciderait du destin de toute une planète.
Ses mains s'agrippaient aux meilleures prises possibles, ce n'était pas le moment de jouer les cascadeurs fous et risquer de compromettre son avancée, ses mains s'écorchaient aux ronces qui passaient par là pour offrir leur aide aux doigts aveugles mais pas insensibles, malheureusement... Pourtant le judoka contenait sa souffrance qu'il savait nécessaire, son pouce érafla le tranchant d'une pierre et la tâcha d'un symbole de sang, son pied gauche quant à lui se posa sur une motte de terre qui ne se raccrochait elle-même en fait à rien et manqua de le faire chuter s'il n'avait pas attrapé de ses deux mains la racine salvatrice d'un arbre qui avait poussé non loin de là. Le seul souci fut à ce moment-là que ses pieds ne trouvaient plus aucune prise pour lui permettre de se hisser plus haut.
Alors l'homme comprit, il comprit que la situation était ridicule, insensée, inutile; il redressa son visage vers le fantôme de son maître qui l'attendait un peu plus haut, et lui cria:
"Pourquoi?! Pourquoi avez-vous manigancé tout ça? Je sais très bien que vous étiez capable de mettre ce passage dans ma chambre directement au lieu de le placer tout là-haut. Quelles étaient vos intentions en faisant cela?"
L'interpellé laissa passer un court silence qui fit frissonner le combattant suspendu dans le vide, puis se mit à rire.
"Franchement, tu penses que sauver un monde ne nécessite que de courir quelques mètres et d'appuyer sur un bouton? Tu auras à subir des épreuves bien pires que celle-ci, et si tu n'es pas capable de passer cette difficulté, alors tu ne nous serras d'aucune utilité."
C'était donc un test, le vieux voulait juste voir si l'homme était capable de se sauver de la fin de son propre monde avant de pouvoir aider la planète du spectre. S'il arrivait en haut, alors il pourrait faire face à la suite, mais s'il venait à mourir ici, cela n'avait pas d'importance car le résultat aurait été le même derrière le passage.
Pris d'un soudain flux d'adrénaline, le judoka se hissa par la force de ses bras à la racine, frappa des pieds contre la paroi du Mont Vultur et fit un saut d'un bon mètre pour se rattraper presque par miracle à la roche, entaillant encore plus ses doigts, les faisant cracher le fluide rouge de la vie.
La folie semblait s'emparer de l'esprit de Yan car il continua ainsi sa progression, par sauts et par coups de chance. Peu lui importait sa vie, il devait faire au mieux pour celle des autres. Ses cascades empiraient ses nombreuses coupures, et il priait pour que ses doigts tiennent le coup jusqu'en haut, alors qu'il venait d'y arriver sans s'en rendre compte. S'agrippant au sommet, il se hissa dans un ahanement terrible, marquant la réussite de son objectif.
Le passage était là, sombre comme le destin de la Terre, une déchirure dans l'espace qui ressemblait à un tunnel aspirant toute lumière pour l’annihiler dans ses propres ténèbres. Yan marqua une pause en voyant la chose, ses doigts rythmant ses expirations par une nouvelle goutte de sang, ses jambes tremblantes, sa cheville sur le point de rompre sous l'effort qu'elle avait subi.
"Ne me dis pas après tout ce chemin que tu as peur du noir." plaisanta son maître qui semblait satisfait des prouesses de son apprenti.
Ce dernier secoua la tête avec un sourire forcé et s'engagea dans le passage avec l'étrange impression de se rendre en enfer.
Là où il se trouvait il y a quelques secondes de cela, une énorme fissure de feu ouvrit le volcan en un milliard de particules, tout comme le reste du monde qui venait de mourir comme la petite Sakura, ou encore ce cher monsieur Kahn, scientifique respectable qui n'avait pas su s'imposer, ou tous ces gardes qui n'avaient pas su faire leur travail correctement, ou même encore cet homme dont le nom fut effacé des mémoires et qui avait volé le travail qui avait permis à une bande d'adolescents, inconsciente de ce qui venait d'arriver, de se retrouver dans un endroit qui devait les protéger.


                                                            ***


Endroit non identifié.


Yan s'était retrouvé, un peu surpris, dans une grande forêt, paisible et calme, à peine perturbée par des chants d'oiseaux inconnus, à l'intérieur de laquelle ne résonna pas cette sensation de mort qui faisait trembler le jeune homme quelques secondes auparavant.
Le spectre du vieillard était toujours là.
"Tu t'en es très bien sorti. Je te félicite. Tu es donc apte à tenter de permettre à ce monde de survivre."
Balayant les compliments d'un geste de la main, le judoka demanda:
"Mais comment suis-je censé réaliser pareil exploit? Je ne sais vraiment pas par où commencer."
Glissant tout près du visage de l'homme, l'esprit expliqua dans un sourire que dans ce monde existait des choses qui dépassait l'esprit des terriens, les lois physiques et naturelles n'avait pas réalité ici, la magie n'était que banalité, une forme d'art comme une autre dans le combat et la vie de tous les jours... Il existait aussi des choses que l'on nommait "les artefacts du roi", des objets de grande valeur possédant un grand pouvoir qui serait suffisant pour arrêter n'importe quel mal, aussi grand fût-il. Disséminés dans ce monde, c'était leur seule chance de salut.
"Je ne peux malheureusement pas te dire où elles se trouvent, tu devras te débrouiller par ta seule personne de ce côté. Par contre, j'ai un présent qui t'aidera grandement en cas de problème."
Et à la main du jeune homme apparut un anneau argenté parfaitement adapté à son annulaire, qui semblait à présent soudé à sa peau... 
"Ne l'enlève jamais, car il est extrêmement précieux et rare. Son pouvoir te permettra de..."

                                                             ***



Akiro se réveilla dans un lit, il en fut effrayé et rassuré, il avait rêvé s'être réveillé dehors et que sa sœur était morte... Il se redressa tant bien que mal, son corps avait du mal à obéir à ses ordres, après autant de temps d'inactivité c'était sûrement normal.
"Je suis donc réveillé pour de vrai cette fois..." pensa le garçon dans un soupir.
Autour de lui, les murs semblaient être faits de bois, cela lui rappela les cabanes que les enfants fabriquaient parfois dans leur jardin, son lit semblait avoir été lui aussi construit de manière non professionelle, cela ne le dérangeait pas car ses sensations étaient encore faibles pour trouver cela désagréable. Une table de chevet en bois était à côté de lui, dessus se trouvaient des vêtements qu'il ne connaissait pas, faits de tissus bleutés. Il comprit bien vite que cela lui était destiné quand il constata qu'il était nu sous sa couverture de peau... Il se redressa en se tenant au mur à coté de lui, ne sentant pas les échardes se planter dans ses doigts, puis s'habilla de manière malhabile, manquant à chaque fois de peu de se retrouver au sol. Sa tâche accomplie il sortit de sa chambre et se retrouva dans une pièce remplie de bric-à-brac dans laquelle une douce odeur de pain grillé planait, cela lui offrit un joyeux haut-le-cœur quand son estomac se retourna par la faim, chose qu'il n'avait pas sentie depuis longtemps. Une porte brune était entrouverte là où il y avait le plus de place pour marcher et laisser l'air de l'extérieur entrer, glaçant le corps de l'adolescent qui aurait bien voulu retourner au chaud dans le lit s'il n'y avait pas passé ses treize dernières années. Dehors le soleil était bien haut dans le ciel, offrant aux yeux un éblouissant paysage de fleurs colorées et d'arbres majestueux s'élevant vers les nuages dans un mouvement synchronisé comme une immense vague de verdure. Plissant les yeux, le Chinois avança pieds nus sur l'herbe fraiche qui caresser ses pieds insensibles faibles, cherchant sûrement à leur faire redécouvrir les plaisirs multiples de la marche.

Un homme se tenait à l'ombre d'un arbre, face à ce qui semblait être une stèle. Sentant la présence du garçon, il se retourna et lui fit un pâle sourire.
"Comment vas-tu gamin?"
Akiro tenta de répondre mais sa bouche restait ouverte sans qu'un son puisse en sortir, il n'en avait pas encore la force, il lui fallait plus de temps. Il tenta tout de même d'improviser une réponse gestuelle en hochant de la tête doucement pour ne pas accentuer sa nausée.
"Qu'est-ce qui a bien pu t'arriver... Quand je t'ai retrouvé toi et cette fille. Je me suis permis de lui faire cette sépulture. Je l'ai enterrée avec ses vêtements, je ne voulais pas...enfin tu comprends... Je suis vraiment désolé, gamin."
L'homme avait l'air presque aussi perdu que l'adolescent. Ce dernier n'avait pourtant pas bronché lorsque la mort de sa sœur lui avait ainsi été exposée à nouveau, pas la peine, le visage de l'homme avait suffit à raviver le souvenir de ce qu'il s'était passé ainsi que les larmes, perles de cristal descendant la chair blanche dans un silence troublant.


                                                       ***

Le sang gicla sur la peau de Suzanne qui éclata de rire alors que le monstre qui l'avait attaqué à l'instant roulait à ses pieds. Une mante religieuse de taille humaine.
"Ces machins sont si stupides, il suffit à peine de réfléchir pour leur exploser la tronche!"
Allen regardait, consterné, la femme de ses rêves agiter joyeusement son sabre perlé de rouge au-dessus d'un cadavre monstrueux qui ne semblait pas la perturber plus que ça.
Lui-même avait dû se défendre et tuer, mais ce n'était pas de la jubilation bestiale qu'il éprouvait, c'était plus de la peur face à cet environnement hostile qu'ils découvraient.
"Hé! J'ai reçu un SMS!" s'écria tout à coup Suzanne, ayant rangé son sabre dans son fourreau sans même avoir pris la peine de le nettoyer.
En effet, sur son téléphone portable clignotait l'icône alertant l'arrivée d'un nouveau message envoyé par un correspondant inconnu.
"Il y a donc une forme de vie terrienne ici..." pensa le blond en rangeant à son tour ses deux sabres dans les fourreaux croisés dans son dos.
Cela confirmait sa théorie qu'il avait forgée lorsqu'ils avaient découvert un village abandonné, déserté pour une raison inconnue. Ils avaient fouillé l'endroit de fond en comble malgré que cela rebutait le jeune noble d'entrer ainsi chez des inconnus comme des bandits, mais bien évidemment Suzanne avait déjà foncé. Dans l'une des maisons ils avaient trouvé ces sabres, Allen avait trouvé les siens accrochés à un mur, une décoration bien trop aiguisée à son goût, il avait préféré les prendre tous les deux pour éviter à la jeune femme d'être tentée par ces objets de mort... Malheureusement, celle-ci en avait trouvé un, le manche totalement noir parfaitement adapté à son esprit, il fut trouvé dans un coffre dont elle avait forcé la serrure. Elle avait aussi récupéré un sac qu'elle avait rempli d'objets dont le noble avait préféré ignorer la nature, pensant ainsi s'éloigner au maximum de la complicité de vol.
Puis ils avaient continué leur route au hasard, à la recherche de vie humaine.
Et les monstres étaient arrivés, des créatures affreuses venant surement d'un monde de cauchemar et attaquant les deux jeunes gens qui n'eurent jusqu'à présent pas trop de mal à s'en débarrasser. Suzanne massacrait en frappant de tous côtés comme si son arme était un hachoir à viande tandis qu'Allen tranchait, visait, et piquait juste pour causer une mort rapide et sans faille. Son costume le gênait un peu, et il l'avait déchiré les larmes aux yeux, une pareille pièce de qualité se doit d'être respecté, au niveau des bras et des jambes pour améliorer ses mouvements et les fluidifier davantage.
Enfin, ce message était arrivé... Suzanne l'ouvrit et en lut le contenu.
"Bonjour Suzanne et Allen, j'espère que vous avez réussi à survivre jusqu'à présent..."
Cela s'annonçait prometteur.

2 commentaires:

  1. Re-Salut.

    Juste pour savoir... les antennes GSM... y'en a sur ce monde ?

    Le fait de pouvoir (plausiblement) sauver le monde vient définir un objectif. l'histoire commence à prendre de l'ampleur.

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  2. Tu as dû avoir ta réponse dans le chapitre 2.1 ^^

    D'autres objectifs apparaitront au fûr et à mesure, il suffit d'être patient :-)

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