dimanche


Chapitre1.1:



Chine.

La fillette courait depuis près d'une heure à en cracher ses poumons, ses pieds battant un rythme incertain sur le carrelage du bâtiment; de nombreuses personnes se retournaient sur son passage, certains fronçaient les sourcils en signe de réprimande, d'autres riaient en voyant passer l'énergie de la jeunesse qui avait depuis bien longtemps quitté leur corps, et le reste observait ce spectacle de manière lointaine, pas tout à fait là, un peu à la manière dont on regarderait une télévision.
Les nattes brunes de la jeune fille se balançaient de gauche à droite à la façon d'un balancier d'une horloge affolée, sa jupe noire quant à elle restait impeccablement plaquée contre les jambes puissantes de son porteur.
Sakura Yóukè, 13 ans, incarnait bien le personnage que son physique laissait à croire qu'elle était: des cheveux bruns parfaitement coiffés montraient son soin quant à sa personne, sa peau légèrement rosies et douce donnait l'idée vraie de son innocence et sa gentillesse, ses yeux verts perçants permettaient sans l'ombre d'un doute que malgré que la poupée puisse être de chiffon, elle n'en savait pas moins se montrer forte. Son corps était assez petit, infortune du destin à ses yeux mais cela ne l’empêcha pas de devenir une élève exceptionnelle à ses cours de sport, ses muscles apparents pouvaient en témoigner sans problème.
Mais aujourd'hui, ses efforts se réservaient pour une seule personne. L'amour de sa vie.
Non pas un petit ami ou autre histoire à l'eau de rose, nous parlons ici de l'amour qui unit les membres d'une même famille. En effet la petite Sakura courait rejoindre son frère, endormi comme à son habitude, dans son lit d’hôpital.
Pourtant elle espérait qu'aujourd'hui, il se réveillerait, oui ce n'était pas un jour ordinaire, elle le sentait, cela résonnait en elle comme un avertissement. D'ailleurs sa mère lui avait fait part ce matin même avant qu'elle ne parte à l'école qu'elle devrait la rejoindre, sa mère et son père, au chevet du comateux. Peut-être les médecins avaient-ils enfin trouvé un remède! Après tout son père avait dépensé des sommes astronomiques pour faire en sorte que celui-ci se réveille enfin. Elle frissonnait de bonheur rien qu'à cette idée qui l'avait pourtant de nombreuses fois effleurée dans ses rêves.
Dans ses rêves...jamais dans la réalité.
Mais aujourd'hui c'est autre chose, elle priait qu'ils attendent sa présence pour le réveiller.
L'odeur dans l’hôpital lui brulait encore plus les poumons mais cela faisait une éternité qu'elle ne faisait plus attention aux émanations des produits chimiques, aux reflux âcres des mourants et des produits d'entretien bon marché , elle courait en ignorant totalement ce qui l'entourait. Son esprit se tournait entièrement vers son objectif.
Arrivée devant la porte habituelle, elle retint son souffle qui était haletant il y a à peine une seconde et entra.
Ses parents étaient là, évidemment, c'est plus facile de se déplacer en voiture qu'en courant; ils affichaient un air grave, fermé, ne permettant de discerner que la douleur dans leurs yeux. Une infirmière, jeune femme magnifique et soignée, qui aurait pu sans mal se révéler être une geisha tant le raffinement sembler émaner de sa personne, se tenait près des machines maintenant un jeune garçon endormi en vie. Sakura se demanda ce qu'une telle personne faisait ici, la plupart des infirmières avaient les yeux bouffis par le sommeil, un maquillage trop peu soigné dû à la fatigue et au manque de temps pour soi, et les cheveux étaient à peine coiffés... Ce devait être une nouvelle, mais n'aurait-il pas mieux valu le médecin qui suivait son frère depuis le début de son coma pour réveiller ce dernier?
Son regard s'élança instinctivement vers son frère endormi, il était pâle, cet air toujours malade ne la choquait pas plus que ça, elle était née en le voyant ainsi, et rien n'avait changé. Ses cheveux en bataille sur sa tête était surement ce qu'elle préférait chez le garçon, lui donnant un air négligé et pourtant lui procurant un style unique et personnel. Une fois qu'elle avait été seul avec lui, elle avait regardé sous l'une des paupière de l'endormi pour en voir la couleur, et c'est l'océan qu'elle découvrit, un océan calme, silencieux, qui n'attendait qu'à abriter de nouvelles images pour nager en lui...
"Sakura...nous avons une nouvelle importante à t'annoncer." commença le père de son ton sérieux qu'il prenait lorsqu'il faisait des affaires avec ses associés.
La fille sentait son cœur bondir de plus en plus fort dans son corps, et elle n'aurait pas été surprise de le voir arracher sa poitrine pour s'enfuir par la fenêtre, elle tenta de se calmer en prenant une profonde inspiration et en déplissant son uniforme d'écolière qui ressemblait à un champ de bataille après sa course pour arriver à l’hôpital au plus vite.
"Ce n'est pas facile à dire, tu es si jeune... Continua la mère sur un ton presque implorant. La décision n'a pas été facile, mais nous ne pouvons plus continuer ainsi."
L'enfant ouvrit la bouche de surprise et d'incompréhension, on n'avait donc pas trouvé le moyen de réveiller son frère, mais pourquoi alors les adultes dans la pièce avait-il le visage de ceux qui se préparent à un moment important.
Comme pour couper court à tous ces questionnements, le père énonça les faits à la manière d'un bonjour matinale, devenu obsolète avec le temps.
"Ton frère va être débranché aujourd'hui. On ne peut pas attendre plus longtemps qu'il se réveille. C'est fini."
L'infirmière avait écouté sans broncher et se tenait bien droite, attendant les instructions qu'on lui donnerait.
Sakura écarquilla les yeux, voulut bouger, mais son corps ne lui répondait plus, son esprit, lui, explosait, projetant partout des idées indescriptibles et incompréhensibles, donnant un millier d'ordres à la fois au pauvre corps qui ne pouvait que trembler sous le choc de l'émotion.
Puis elle cria.
Un cri terrible, douloureux, qui fit trembler chaque âme présente dans le bâtiment sauf le père qui devait s'attendre à telle réaction de sa fille, tandis que la mère s'effondrait dans un sanglot tout aussi déchirant que le son de souffrance qui s'était échappé du fruit de ses propres entrailles.
Se jetant sur le lit, où se tenait son frère, elle l'enlaça et l'étreignit aussi fort qu'elle le pouvait comme si cela pourrait le protéger de l'inévitable.
"Je t'en supplie! Réveille-toi! C'est maintenant que tu dois ouvrir les yeux! Ne m'abandonne pas comme ça, je suis venu tous les jours te voir, aujourd'hui c'est à ton tour de faire quelque chose pour moi! Vis!"
Le garçon entendait la plainte en lui. Il avait tout suivi et savait, il s'y était préparé depuis la première que ses parents en avaient parlé, il y a un an de cela. Il aurait tant voulu réconforter la petite fille qui laisser couler ses larmes dans son cou mais malgré ses treize années d'effort, il n'avait jamais su bouger le moindre membre, faire frémir la moindre parcelle de peau, donner un signe de sa présence à l'extérieur de lui, il était là et c'était tout, bientôt il ne serait plus rien. Il aurait tout de même aimé juste une fois voir le visage de celle qui lui avait tenu compagnie le plus clair de son temps... Le visage qui se cachait derrière la si douce voix de sa sœur.
L'infirmière observait le père qui restait totalement impassible, quand il sentit qu'il était observé il tourna la tête vers l'aide-soignante et comprit ce qu'on attendait de lui, il émit un simple hochement de tête, si bref, presque invisible, mais mortel pour son propre fils, l'infirmière sembla répondre par le regard puis se tourna vers le bric-à-brac électrique qui était sa mission.
Soudain la lumière sembla baisser... L'éclairage diminuait dans la pièce, la fenêtre ne filtrait plus la lueur du jour, comme si l'astre solaire lui-même voulait rendre hommage à cette fin. Un terrible grondement se fit entendre, si puissant, ce ne pouvait être le tonnerre tant la terre en était affectée. Le père repensa, presque par réflexe, à ces histoires de fin du monde dont on parlait tant l'année précédente, sur base d'un calendrier maya, et autres contes de fées... Il regarda par la fenêtre quel pouvait être l'origine du phénomène, et constata, non sans laisser échapper un léger tremblement de sa masse sans émotion, qu'une chose énorme cachait le soleil, une chose rougeoyante, qui avançait à grande vitesse vers la Terre, vers l’hôpital, vers sa famille, vers lui.
Il n'eût pas le temps de dire quoi que ce soit, la chose avait été bien trop rapide, il se désintégra en entendant les dernières paroles de sa fille alors que l'infirmière coupait machinalement l'alimentation des appareils vitaux pour son fils: "lui n'a pas pu vivre, laissez-lui sa chance et prenez-moi à sa place!"

                                                                        ***

Akiro Yóukè ressentit le vent sur sa peau et prit peur.
Cela faisait tout de même treize ans qu'il n'avait plus rien ressenti. Il sentait le sol sous lui et autre chose sur lui.
Son cou était humide, il redécouvrait les sensations que procurait l'eau coulant sur sa peau.
Bien qu'il se sentait fatigué, il sut qu'il était en vie.
Une joie sans pareil l'envahit.
"Regarde petite sœur! Je suis réveillé!" dit-il en sursautant, surpris par sa propre voix qui  était si différente du souvenir qu'il en avait gardé.
Alors, pour pouvoir enfin voir celle qu'il avait attendu pendant si longtemps il ouvrit les yeux et découvrit au-dessus de lui, un magnifique ciel bleu, aveuglant de beauté, peuplé de vie. Le monde.
Prenant son temps, il tenta doucement de se redresser, mais se retrouva bloqué par une masse qui était lourde pour ses muscles sous-développés par sa longue convalescence, il trouva pourtant un moyen de s'en débarrasser: d'une impulsion de son bassin (qui lui retourna tant l'estomac qu'il en eut des nausées pendant une bonne heure) il se plaça sur son flanc gauche, et cela fonctionna, la chose qui le bloquait tomba de son ventre et se retrouva au sol, face à lui.
Il croisa alors une magnifique paire d'yeux, vert clair, dont l'un d'eux était à moitié caché par une petite natte brunâtre, des traces salées couvraient des joues blanche crème sous ces deux fragments de jade. Encore plus bas, se trouvait une bouche, ouverte sur une plainte qui s'était éteinte...
Ce qui avait gêné le garçon était ce qu'il restait de sa sœur, un cadavre sans vie.
C'est ainsi qu'Akiro cria à son tour, pour la première depuis treize ans. Le cri d'un nouveau-né.

4 commentaires:

  1. Réponses
    1. Merci =) je fais de mon mieux (tu as lu le prologue en premier?)

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    2. Je ne sais pas qui est Ombre, mais je suis d'accord avec lui ! C'est vraiment bon ! (Un titre qui soulève en moi tellement de souvenir !)

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  2. Je ne voulais pas laisser Basmar de coté ^^

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